Quand l’Aide publique au développement s’effondre :

La gestion des grands enjeux globaux en péril

Paradoxe : alors que les besoins mondiaux n’ont jamais été aussi pressants, l’aide publique au développement enregistre au niveau mondial un recul inédit. Conséquences à court et moyen terme ? L’analyse de Laurent Saillard, coordonnateur projets de Des enfants et des livres.

Les coupes budgétaires (-50%) de l’Aide publique au développement (APD) au niveau mondial (suspension notamment de l’USAID en janvier 2025), plongent le monde dans un cercle vicieux où les besoins explosent tandis que les moyens de les combattre s’amenuisent. À court terme, les organisations humanitaires et les associations locales, comme les partenaires de Des enfants et des livres (WSF au Sri Lanka, FEMMEN au Burkina Faso), etc.) déjà en première ligne, voient leurs marges de manœuvre se réduire comme peau de chagrin. 

Une chaine de solidarité qui se délite

Faute de financements stables, ce ne sont pas seulement des programmes qui ferment, mais toute une chaîne de solidarité qui se délite : réductions drastiques des équipes sur le terrain, abandon de projets de prévention, et dépendance accrue à des fonds d’urgence toujours plus aléatoires. Le paradoxe est cruel : plus les crises s’aggravent (insécurité alimentaire, résurgence du VIH/sida, épidémies oubliées, conflits prolongés), plus les acteurs capables d’y répondre sont affaiblis, voire disparaissent. L’arrêt de certains programmes aggrave les crises humanitaires existantes.  « Telle ONG doit interrompre immédiatement un programme d’approvisionnement en eau potable pour 650.000 déplacés au Darfour, quand une autre organisation doit cesser son programme de 850.000 consultations médicales en Afghanistan » (1) (Alain Boinet Fondateur de l’ONG humanitaire Solidarités International)

Des millions de personnes basculent dans une précarité durable 

À moyen terme, c’est l’architecture même de l’aide qui se fissure. Les ONG locales, souvent les plus efficaces car ancrées dans les réalités du terrain, sont les premières sacrifiées. Conséquence : les populations sont privées des relais essentiels pour l’accès à des services de base (soins, éducation, sécurité alimentaire). Résultat : des millions de personnes basculent dans une précarité durable, les systèmes de santé s’effondrent par manque de prévention (rebond des maladies évitables, résistance aux traitements), et les tensions sociales s’exacerbent. 

Vers un monde plus inégal et plus instable

Pire, ces coupures minent la confiance dans la solidarité internationale, alimentant un discours de repli et de désengagement — alors même que les défis n’ont jamais été aussi globaux. « L’affaiblissement de l’APD met en péril la gestion des grands enjeux globaux qui ne connaissent pas de frontière : lutte contre les pandémies ; réduction des impacts du changement climatique ; ou encore gestion des flux migratoires, qui risquent d’exploser en l’absence de stabilisation. » (1)

En conclusion, le recul de la solidarité internationale aujourd’hui, va se traduire par un prix bien plus lourd à payer demain : un monde plus inégal, plus instable, où les crises, faute d’avoir été endiguées, deviendront ingérables. « La survenance d’un monde chaotique, où l’absence de coopération internationale mène à des déséquilibres irréversibles, devient plausible. » (1)

 (1) source : URD.ORG  – Lire le dossier

gros plan sur les deux mains d'un enfant montrant au photographe des médicaments
95 millions de personnes privées de l’accès aux soins de santé primaire par la suspension de l’USAID (Médecins du Monde)