Après deux mois de manifestations ininterrompues, le premier ministre sri lankais, Mahinda Rajapaksa, a démissionné, lundi 9 mai. Son gouvernement a été dissous. Le Sri Lanka traverse une crise économique et financière d’une ampleur inédite. Dans un tel contexte quelle place pour les bibliothèques mobiles que déploie Des enfants et des livres dans les plantations de thé du cœur de l’ile ? Laurent Saillard notre coordinateur projets est en contact régulier avec HDO notre partenaire sri lankais au cœur des plantations. Son point de vue.
« La crise multidimensionnelle que traverse le Sri Lanka est profonde. Le pays est au bord du gouffre incapable d’honorer ses dettes. L’opposition au clan « Rajapakse » de nouveau au pouvoir après l’élection de Gotabaya Rajapakse, frère de l’ex-président Mahinda Rajapakse, est générale. Elle dépasse les clivages communautaires, ethniques et religieux, lignes de fractures pourtant historiques dans ce pays. La crise a un effet unificateur face à un ennemi commun : autoritarisme et surtout une corruption galopante au sein de la majorité élue dont les décisions ont ruiné le pays.
Dans les zones reculées, les plantations, le Nord-Est, les gens sont livrés à eux-mêmes. Plus d’aide sociale, des services de base à l’agonie, un système de santé complètement désorganisé : absence de médicaments essentiels, actes de chirurgie reportés aux calendes grecques faute d’intrants suffisants. Les écoles sont partiellement fermées. Le système éducatif est en grève. Comme beaucoup de fonctionnaires, les enseignants n’ont pas perçu leur salaire depuis des mois. Certains n’ont même plus les moyens de se déplacer, de subvenir à leurs besoins essentiels. Sans une remarquable solidarité certains mourraient de faim, ni plus, ni moins. La situation des travailleurs journaliers – et une large partie de la population des plantations sont des journaliers – est pire encore. Le seul maigre avantage qu’ils ont est de vivre à la campagne est d’accéder à la terre qu’ils cultivent et dont ils tirent la nourriture pour survivre. »
Quelle place pour nos bibliothèques mobiles ?
Dans un tel contexte, y-a-t-il encore une place pour les bibliothèques mobiles que Des enfants et des livres déploie dans les plantations ? « Plus que jamais » nous dit notre partenaire sri lankais HDO (Human development organization) qui agit au cœur de la région des plantations depuis le milieu des années 80, et avec qui nous sommes en contact régulier.
Sivapragasam, fondateur de HDO avec son épouse Logeswary, voit au moins deux raisons essentielles de poursuivre ce programme :
- Alors que les écoles sont fermées, les bibliothèques permettent aux enfants de rester en lien avec la lecture et l’éducation.
- Sur un plan plus large, nos bibliothèques ont un effet positif sur le lien social. Elle sont un facteur de cohésion, entre les familles, entre les populations des plantations.
« On le savait déjà, reprend Laurent Saillard, dans la mesure où les bibliothèques sont ouvertes à tous les enfants, qu’ils soient tamouls, cingalais, hindous, bouddhistes, ou musulmans. Le projet est conçu pour rassembler et dialoguer et non pour attiser des divisions déjà trop présentes dans ce petit pays perdu dans l’océan indien. C’est une confirmation et un espoir au milieu du chaos ambiant. »